• Tournons nous d'abord vers les propositions principales à la voix active comportant un verbe à la troisième personne:

(Tab. Sulis 57) Deae ... Exsibuus donavit illos [qui...sunt] si servus si liber si baro si mulier....
'Exsibuus a confié à la déesse... ceux qui sont..., qu'ils soient esclaves ou hommes libres, hommes ou femmes...'
(Tab. Sulis 61 ) Lovernisca donat eum [qui sive vir sive femina sive puer sive puella <qui> mafortium involaverit]
'Lovernisca confie celui qui, homme ou femme, garçon ou fille, a volé (son) châle (de mariée)'
Dans la quasi-totalité du corpus, le sujet au nominatif est en position immédiatement pré-verbale.[1]

  • Nombreux sont les cas où un nom propre au nominatif précède un verbe à la première personne.

Sans datif initial, on trouve:
(Tab. Sulis 62) [.]eocorotis perdidi laenam pallium sagum pexam donavi ...
'(Moi) .eocorotis, j'ai perdu mon manteau de laine, ma toge, ma cape et ma tunique(?). J'ai donné...'
Il me paraît artificiel de considérer le nom propre comme hors de la proposition. Je préfère y voir un vocatif, apposé au sujet pronominal ego ('moi') non exprimé.[2]
On trouve d'ailleurs un vocatif dans une ou deux tablettes: [3]
(Tab. Sulis 54) ...conqueror tibi Sulis Arminia ut...
''...je porte plainte auprès de vous, Sulis, (moi) Arminia. Que...

Lorsqu'est présent un datif initial suivi d'un second à valeur résomptive, cette interprétation vocative est en compétition avec celle postulant un couple datif - nominatif sans lien syntaxique avec la proposition principale. Nous en avons vu de nombreux exemples dans le billet précédent. On notera simplement que l'ordre est, à une exception près[4] datif - nominatif. S'il s'agissait d'une formule parallèle à celle de la correspondance épistulaire, on attendrait plutôt l'ordre nominatif - datif: [5]
Claudius [T]er[en]tianus Claudio Tiberiano domino et patri karissimo plurimam salutem
'Cl. T.à Cl. T., maître et père très aimé, toutes mes salutations (P.Mich. 8,467)
Cela laisse ouvert la possibilité d'analyser ces nominatifs comme intégrés comme vocatifs dans la proposition principale. On construira par exemple
(Uley 72) deo sancto Mercurio Honoratus conqueror numini tuo me perdidisse rotas duas ...
'Au dieu saint Mercure. Moi, Honoratus, je porte plainte auprès de votre divinité pour avoir été victime de la disparition de deux roues...'

  • Le plaignant est souvent nommé, mais ce n'est pas obligatoire. [6]

(Tab. Sulis 65) Minervae deae Suli donavi furem [qui caracallam meam involavit] si ser(v)us si liber si baro si mulier hoc donum non redemat nessi sanguine suo.
'J'ai donné à la déesse Minerva Sulis le voleur qui a volé mon long manteau à capuche; (qu'il soit) esclave ou libre, homme ou femme, qu'il ne rachète ce don si ce n'est par son sang'.

Au plan discursif, l'agent au nominatif est soit totalement thématique lorsqu'il n'est pas mentionné, soit rhématique, si on interprète ainsi les exemples où il possède une valeur équivalente à celle d'un vocatif. Lorqu'il est exprimé, la position immédiatement pré-verbale est très largement majoritaire. Comme dans le cas du datif, cette position pré-verbale est compatible avec la position pré-nucléaire, mais il convient d'abord d'étudier la position de l'accusatif et la structure de la phrase nucléaire avant de pouvoir éventuellement conclure.

Notes

[1] cf. Tab. Sulis 59, 66, 94 (l'adverbe illic s'intercale), 97, Uley 1, 4, 49, Kelvedon et Turner JRS 53 (1963) 122. Seule la tablette de Lindney Park fait exception avec une structure SOV à verbe final
Deuo Nodenti Silvianus anilum perdedit...
'Au dieu Nodens. Silvianus a perdu un anneau...'.
Tab. Sulis 5 est ambigu:
[D]ocimedis perdidi(t) manicilia dua
'D. a perdu deux gants'
selon Tomlin et Adams, en s'appuyant sur des exemples où le -t a visiblement été omis.

[2] Les tablettes ne comportent aucun exemple de ego.

[3] Peut-être dans Tab. Sulis 9:
Petitio rogo te Victoria vindex...
'Pétition: Je te prie (moi) Victoria vindex...'

[4] cf. Tab. Sulis 60, dans le billet précédant.

[5] A propos des lettres de Vindolanda, H. Halla-aho précise dans sa thèse qu'elles 'commencent toujours par une formule introductive le plus souvent de la forme A (émetteur) B (destinataire au datif) suo salutem...' ( The non-literary Latin letters, U. of Helsinki, 2008, p. 44).

[6] Par exemple Tab. Sulis 8 (cf. billet précédent), 35 (d°), 99, Uley 76 (d°) etc.